caractère Il est une ombre fuyante, versatile. Toujours, il se dérobe aux regards inquisiteurs. Sous l’halo de lumière, un être tourmenté se terre. Petit, et apeuré encore. Son coeur hésite, et l’esprit médite ; mais la voix, elle, demeure haute et claire. Etrange garçon, curieux des autres. Mais aussi, un brin paranoïaque, et obscur. Il perçoit les choses d’un angle noirâtre, et pessimiste. « Pour ne pas souffrir », qu’il dit.
L’ange d’apparat est alangui, et il fait la moue, dubitatif. Fera-t-il, ne fera-t-il pas ? Et il demeure, passif, indifférent. Parfois, il attend que les choses se fassent d’elles-même. Par le fruit du hasard. Les miracles ? Le garçon n’y croit pas, non ; depuis qu’il s’est retrouvé, face levé vers les voutes d’une église… Derrière son oeil trempé, un cercueil. Il avait pu choisir la chanson d’adieu : « Oceans », de Coasts. Brisé, accablé, de ses lèvres s’échappaient quelques murmures tremblants.
We fell in love right by the ocean. Made all our plans down on the sand and from the tips of your fingers down to the soles of your feet. A glimmer in your skin that I can't believe and take a trip to the sea. Let your hair run, run free. You’re a rebel in disguise, is that the devil in your eyes ?
Mais face à ses proches, le jeune homme sourit ; et son rire tranquille réchauffe les coeurs. Il est aimable, et charmant ; d’une compagnie somme toute agréable, aux paroles aisées et mesurées. Il est le fils modèle, le grand frère protecteur, le cousin sympathique… Toujours, il veille aux anciens ; comme il prend soin des plus petits. Une espèce de force qui va, fluide et gracile. Car, malgré tout, il est profondément attaché à ses parents. Même, enraciné, dans ce foyer enthousiaste.
Aussi, il est un obsessionnel. Soit il reste froid et cruel, soit il s’embrase, jusqu’à se consumer. Pas d’entre deux. Il peut écouter une même musique pendant des heures. Ou lire des vers, à en avoir l’oeil trouble et hagard. « Je demeurai longtemps errant dans Césarée ». Compulsif, solitaire, frustré, le garçon serait, pour couleur, une espèce de gris. Et la nuit, souvent, il cherche la chaleur d’une chair.
| histoire Il hait les nuits, froides et solitaires. Quand trône l’astre inutile, et que son éclat futile éclaire un pan de son visage crispé. Il baigne dans les draps défaits, semblables aux plis de l’océan. Dérivant entre ces vagues immaculées, l’homme se terre ; « Je suis fait de souvenirs ».
A bout de force, il fuit le sommeil, et ses ombres. L’homme est sans cesse tourmenté ; hanté par des éclats, et des voix. Les murmures se rompent au rivage de sa conscience alertée. « Viens avec moi… ». Il revoit l’étendue miroitante, et son reflet… Sous la houle les silhouettes se lient, et un Zéphyr amusé transporte l’écho de leurs rires.
« Notre joie est si vive », soupire sa voix rauque. L’homme s’éveille couvert de sueur, bientôt mêlée à quelques larmes. Les genoux repliés, il dissimule ses traits meurtris. Un mal terrible le ronge, là, au creux de sa poitrine haletante. Il se laisse tomber, encore et encore, les bras ballants… Inerte, et pourtant scindé d’une douleur sans nom.
Fauchés, à vingt ans. D’abord, ses yeux papillonnent ; un peu hasardeux. Son esprit s’éveille… Il aperçoit des points noirs, et puis, les débris. Une voix assène alors : « Mes jambes. Je ne sens plus mes jambes ». Et puis, son coeur frémit au gémissement… à ses côtés. Son regard terrifié s’attarde sur les membres mutilés, et parés de pourpre. « Mon amour, mon amour », articule sa voix tremblante. Il a grande peur. Il murmure des mots réconfortants, auxquels lui-même ne croit pas. Pendant de longues minutes… Alors un étrange sourire éclaire son visage blêmi. « Mon amour… ». Et un long cri perce dans le jour, terrible.
L’homme est triste, et esseulé. Fatigué, aussi ; toujours à se parer d’un masque grotesque. Devant ses proches, il offre quelques sourires, et de bonnes paroles. Ils ne savent pas… Personne même. Mais lui, il n’oublie pas son sourire ravageur et courbé ; ses yeux bruns et troublants ; le ton tranquille de sa voix. Il était enthousiaste… Oui, au sens antique, traversé de divinité. Brave, et loyal, et aimable.
Des années après, il s’est dit « veuf ». Privé de son compagnon, tendre et avide. Maintenant, l’homme ne dit plus rien. Indifférent, intouchable peut-être… Il effleure seulement, du bout des doits, la reliure de ses nombreux livres. Au fil des pages, il s’évade avec aisance.
Or, sa seule compagnie lui pèse lourdement. L’ennui le guette parfois, et il est gêné. Lassé. Vieux, et pourtant jeune… « Je ne sais pas vivre ».
Alors il reste attentif aux petits plaisirs du quotidien ; il y goutte à nouveau, prudemment.
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