Let's go to the USA !
Jae Hwa & Katherine

Inspire. Expire. Inspire… Ouf. Je clos les yeux un moment, faisant le point sur la situation. J’allais revoir mes parents. Mon dieu, j’allais revoir mes parents, et ce, dans un contexte que je n’aurais jamais cru possible. Nerveuse ? Disons que j’en étais simplement à mon dixième chewing-gum et j’avais même craqué pour une cigarette dès le matin – d’où le besoin de chewing-gums d’ailleurs – alors que j’avais juré ne plus jamais toucher une cigarette. A moi-même bien entendu. Par précaution, j’avais même décidé d’emporter le paquet dans mon sac à main, en cas de coup dur majeur. On n’était à l’abri de rien après tout. Je ne devais pas trop tarder à me rendre à l’aéroport mais j’avais comme un blocage, les yeux égarés, les mains désespérément suspendues sur le lavabo. Honnêtement, dire que j’étais terrorisée était un euphémisme. Moi qui pensais avoir coupé les ponts avec mes géniteurs pour toujours, priant pour qu’ils me déshéritent un jour, j’allais prendre l’avion pour retrouver la maison familiale et arriver comme une fleur. Revoir les États-Unis me faisait plaisir dans un sens mais je redoutais la confrontation familiale. Combien de temps n'avions-nous pas eu de vraie réunion de famille ? Et pourquoi cela devait-il précisément arriver quand on organisait des fiançailles que j’allais mettre en échec ?

Car oui, mes parents avaient trouvé judicieux de réunir toute ma fratrie pour l’évènement, comme si Monsieur et Madame Jang n’en auraient pas assez avec mes parents à gérer. J’étais dans un sens curieuse de voir comment mon père allait se comporter en présence d’autres adultes, c’était à vrai dire le seul point intéressant de cette rencontre. Je soupçonnais en réalité ma mère d’avoir eu cette idée pour justement ne pas risquer que mon père s’emporter, Edward étant assez bon pour trouver un compromis à toute situation. Je pouvais au moins lui reconnaître cette qualité, à ce traître-là. Heureusement, sa fiancée à lui n’était pas de la partie, sans quoi je n’aurais pas réussi à conserver mon sang-froid. Gérer des parents odieux était assez compliqué sans la présence d’une future belle-sœur cruche et superficielle. Sur cette petite note positive, je pris mon courage à deux mains et mes sacs au passage. Oui j’avais emporté mes affaires puisque je me voyais mal prendre l’avion en tenue sophistiquée et je me voyais mal accueillir les parents de Jae Hwa en tenue décontractée. Déjà que mes cheveux étaient redevenus blonds, un blond platine plus exactement cette fois, et que j’avais renoncé aux extensions… Mon père allait me tuer.

Le chemin jusqu’à l’aéroport d’Incheon n’était heureusement pas très long sinon j’aurais loupé l’avion. Et Jae Hwa ne me l’aurait jamais pardonné. Je retrouvai alors ce dernier tandis qu’il jetait son café. Visiblement, je n’étais pas la seule à avoir besoin de prendre des forces. Cela me rassurait d’avoir un complice dans l’histoire, je me sentais moins seule pour affronter mes parents. J’eus un rire nerveux quand il m’avoua qu’il pensait que je l’aurais laissé tomber. Haha. « J’y ai songé… Mais maintenant qu’on est dedans, autant y aller jusqu’au bout, non ? Et honnêtement, jamais je ne laisserais un garçon affronter mon père, seul. Ce serait pire qu’inhumain… ». C’était le cas de le dire. Quand bien même Jae Hwa aurait souhaité m’épouser, le caractère de son beau-père l’en aurait fortement dissuadé. Et après on disait que c’était ma faute si je ne me trouvais personne de « convenable »… Par ailleurs, j’avais omis de dire à Jae Hwa que les parents ne seraient pas les seuls à être de la partie mais je préférais conserver le silence sur cela pour le moment. Ce n’était pas le bon moment pour le faire fuir.

« Ça… Je ne peux malheureusement pas assurer que tu reviendras en un morceau… Mais ils t’ont offert l’aller. Ce serait dommage d’endommager un placement pour l’avenir, tu ne crois pas ? ». Je ne savais pas si cela devait le rassurer mais je savais penser comme mon père, voir les choses de son point de vue à lui. Ce serait idiot d’offrir un billet d’avion si c’était pour tout faire voler en éclats, mais je ne pouvais pas non plus assurer à Jae Hwa que mes parents auraient encore la bonté de lui payer le retour une fois le plan mis à exécution. Héhé. Sur ces paroles peu encourageantes, nous nous dirigeâmes tous deux pour l’embarquement, mon cœur commençant à battre un peu trop fort à mon goût. Non je n’avais pas peur, pas du tout… J’étais si crispée que je n’arrivais même pas à trouver un sujet banal pour faire la conversation à Jae Hwa. A part remettre nerveusement plusieurs fois à la suite une mèche de cheveux derrière mon oreille, je ne savais pas quoi faire en vérité. Je ressentis un profond soulagement une fois que mon coéquipier et moi fûmes installés dans l’avion, confortablement sur nos sièges de première classe. Mes parents ne faisaient pas les choses à moitié.

Heureusement, je retrouvai mon self-control après que nous avons décollé, ainsi que ma bonne humeur. Après tout, nous allions mettre en scène une jolie histoire pour que tous leurs projets soient fichus, c’était magnifique tout de même. « Alors ? Prêt pour se jeter dans la gueule du loup ? Je te préviens ça risque d’être terriblement ennuyant… A moins que tes parents ne soient doués pour faire la conversation avec des gens froids bien sûr. Et mon père va sûrement être difficile à intimider donc bon. Accroche-toi. J’essaierai de t’aider comme je peux. ». J’étais frustrée dans un sens de ne pouvoir aider davantage mon complice, puisque mon père tenait quasiment Lily et Mike en otage, ce qui m’empêchait de passer pour la méchante justement. Sinon, j’aurais pu sortir sans aucun souci toutes mes histoires de débauche aux parents de Jae Hwa et ils n’auraient sûrement pas voulu de moi. Je crus soudain bon d’informer mon compagnon de galère des occupations de mes parents, histoire de. « Sinon, juste pour info. Mon père tient une importante chaîne de bijouteries et quant à ma mère, elle est propriétaire d’un magasin de chaussures de luxe. ». Je ne savais pas tant comment il pouvait utiliser cela contre eux, mais je préférais toujours lui en faire part. On ne savait jamais.

Des heures plus tard – ou plus tôt avec le décalage horaire complètement bizarre – nous arrivâmes à New York, ma ville natale et celle d’où mes parents n’avaient pas bougé depuis tout ce temps. Bien entendu, un taxi nous attendait une fois arrivés, on ne savait jamais, moi et Jae Hwa aurions pu avoir la saugrenue idée de préférer faire du shopping qu’aller au repas de famille. Ce qui n’était pas totalement faux pour ma part. Sans dire un mot, nous nous installâmes bien docilement dans la voiture. Je préférais silencieuse et j’invitai Jae Hwa à faire de même d’un regard, car je ne serais pas étonnée que le chauffeur soit tenu de rapporter toute parole entendue à mes parents. Je contentai donc de me rapprocher un peu de lui et de sourire un peu, telle une fiancée presque impatiente de se marier. Il fallait commencer à jouer la comédie dès à présent pour plus de sûreté et j’osais espérer qu’il le comprendrait.
Vint alors le moment fatidique où nous nous retrouvâmes devant la porte de la villa imposante que possédaient mes parents. Il n’y avait pas à dire, cela changeait radicalement du duplex où je logeais à Incheon. Ne laissant pas le temps à Jae Hwa de s’émerveiller devant cette propriété scandaleusement énorme, je frappai à la porte, un étrange sentiment me parcourant. Cela faisait si longtemps que je n’étais pas venue ici.

A ma surprise, ce ne fut pas l’un de mes parents qui ouvrit, mais Jenna, une des domestiques et, pour être franche, ma préférée. Elle avait en quelque sorte remplacé notre nounou que mes parents avaient renvoyée et elle avait toujours été très tendre avec moi. Je pensais d’ailleurs qu’elle me préférait des quatre enfants. Je ne me trompai pas. Un large sourire s’inscrit sur son visage quand elle m’aperçut et s’exclama « Miss Katherine ! », la voix tremblante d’émotion. Cela faisait presque dix ans que je ne l’avais pas vue à vrai dire et qu’elle m’ait reconnue me faisait incroyablement plaisir. Je lui fis un petit clin d’œil, ne voulant pas risquer qu’elle se fasse sermonner pour avoir été trop familière avec moi, et lui fis un check tant que personne ne nous regardait. Oui c’était elle qui m’avait appris à faire ça. Je lui présentai rapidement Jae Hwa en anglais, ne manquant pas de dire qu’il était génial comme garçon. Puis, une fois qu’elle eut pris nos vestes, j’expliquai la situation à mon « fiancé » très brièvement.

En effet, je n’eus pas le temps de m’attarder, puisque Maman fit son apparition dans l’entrée, un petit sourire sur le visage. J’aurais presque juré qu’elle était contente de me voir. Pour ma part, je la trouvais toujours aussi ravissante malgré le temps qui passait, mais de toute façon, j’avais toujours admiré ses traits occidentaux, jalouse de n’en avoir pas hérité. Car oui, ma mère était américaine quand même et j’aurais peut-être dû prévenir Jae Hwa pour qu’il ne soit pas surpris. Elle avait beau parler le coréen à la perfection, ses longs cheveux blonds et son teint mat la faisaient plus ressembler à une Australienne qu’à une Coréenne. J’eus un vent de panique quand je la vis s’attarder sur mes cheveux. «  Ça te va bien…, me dit-elle simplement avec un petit sourire avant de se tourner vers Jae Hwa, je suppose que tu es Jae Hwa. Enchantée de faire ta connaissance. ». Deux choses complètement délirantes. Un, Maman semblait apprécier ma coiffure. Deux, Maman semblait se méfier de Jae Hwa comme une mère qui aimait sa fille. J’avais manqué un épisode.

Ne pouvant supporter cette atmosphère plus longtemps, j’informai ma mère que j’allais me changer et tirai sur la manche de Jae Hwa pour qu’il me suive. Elle eut à peine le temps de me dire que mon père n’était pas encore là et mes frères et ma sœur non plus. Et qu’elle allait s’occuper de la cuisine. Ma mère cuisinait ?! Mais que s’était-il passé dans cette maison ? Je nous enfermai donc Jae Hwa et moi dans mon ancienne chambre et ouvris le sac où se trouvaient mes vêtements. « Tu peux te retourner s’il te plaît ? Je ne t’ai pas emmené pour que tu me mates hein, juste parce que vu qu’on est les premiers on peut parler en tant qu’individus normaux encore quelques minutes… ». Et sur ces bonnes paroles, je commençai à me changer. Cela promettait d’être long…

Let's go to the USA !
Jae Hwa & Katherine

Mon frère, cet abruti d’idiot d’enfoiré de… Grr. Je pris une grande inspiration, ne voulant pas donner la satisfaction à mon aîné qu’il avait réussi à me mettre de mauvaise humeur, même si c’était effectivement le cas. Dans ce plan idéal que Jae Hwa et moi avions concocté, il avait fallu que j’oublie de trouver une parade aux piques ô combien désagréables d’Edward. Le malaise qui suivit son intervention me montra à quel point personne dans la pièce ne l’approuvait en réalité, en particulier venant des jumeaux. Leur silence était beaucoup plus significatif qu’on ne pouvait l’imaginer. En ce qui concernait Jae Hwa, eh bien, il ne se gêna pas pour contrer la « taquinerie » de mon frère et le remballa d’une manière assez extraordinaire. Il n’avait pas été trop agressif mais son intervention faisait clairement comprendre à Edward que pour un mariage digne de ce nom, il fallait y mettre le prix. Et cela sans même que je lui aie mentionné le fait que mon frère était lui-même fiancé mais si j’en croyais l’expression de mon aîné, il s’était de toute évidence senti offensé. A croire qu’il ne s’était pas montré si extravagant pour sa propre fiancée. S’il savait que c’était pour le bluff il n’en serait que plus indigné à mon avis.

Je me retins de sursauter quand Jae Hwa m’enlaça par la taille tout en me complimentant, ce dont je profitai pour lancer un sourire narquois à mon idiot de frère. Haha. Lui qui pensais que j’étais une cause désespérée, le voilà convaincu du contraire, même si tout n’était qu’illusion. Cela ne dut pas vraiment lui faire plaisir puisqu’il décida d’aller chercher une meilleure place pour sa voiture de sport chérie, nous débarrassant de sa présence indésirée. Maman ne chercha même pas à l’en empêcher. A croire que même elle ne pouvait plus supporter ces élans de conneries monstrueux. Aurait-elle pris conscience du ridicule de tout cet univers, enfin ? Jae Hwa s’adressa alors à Mike et Lily, leur faisant part de combien je les portais dans mon cœur, ce qui sembla les toucher à première vue. Ils restaient ceux dont j’étais la plus proche, puisqu’eux n’avaient pas sombré dans la bêtise familiale. Le sourire que Lily adressa à Jae Hwa me montrait que pour elle il faisait déjà partie de la famille et je la voyais déjà le solliciter pour jouer les grands frères à la place de l’incompétent d’aîné que nous avions. Le pauvre, il allait regretter d’avoir mis les pieds dans ma maison.

En revanche, je fus tout à fait surprise qu’il se tourne vers ma mère pour complimenter la maison. Même s’il était supposé jouer le genre idéal, je ne pouvais pas ignorer la profonde rancœur qui m’habitait concernant l’histoire terrible de la famille. En tout cas, je ne pouvais pas lui reprocher de ne pas jouer son rôle à la perfection. Peut-être essayait-il de paraître le plus charmant possible pour s’excuser d’avance du goujat qu’il allait bientôt devenir ? C’était une hypothèse. Quant à ma génitrice, elle semblait étrangement ne pas trépigner de joie. En fait, elle adoptait exactement l’attitude que j’aurais souhaité qu’elle ait les nombreuses fois où ils avaient tenté de me marier contre mon gré. Pourquoi était-ce précisément quand je voulais qu’ils pensent que tout allait bien qu’elle devait me faire ce coup-là ? J’en rageais presque. Mais la sonnette d’entrée ne me laissa pas le temps de rager.

Maman se précipita pour aller ouvrir et quelle ne fut pas mon drame intérieur quand je vis Edward et mon père entrer tour à tour dans la maison. Pitié, faites que tout cela passe très, très, très vite. Pour un Coréen d’origine, mon père avait une statue très imposante qui faisait qu’on pouvait facilement le trouver intimidant, voire avoir peur de lui en fait. Ses employés devaient être terrorisés en sa présence, j’en étais totalement convaincue. Comme toujours il demeura impassible à la vue de tous, même à celle de ma mère qui n’eut droit qu’à un bref « Bonjour ». Ouhlà. Il y avait anguille sous roche. Ils se montraient plus affectueux que cela en général. Quant aux jumeaux, il se contenta de leur tapoter brièvement la tête en guise de salut, comme s’il pensait qu’ils avaient encore dix ans. Et puis il vint se poster devant moi et Jae Hwa, le regard inquisiteur, comme s’il nous passait aux rayons X pour chercher à voir où était le piège. « Bonjour Katherine, juste pour information, il avait toujours l’art de prononcer mon prénom à la coréenne, ce que je trouvais très moche, je suppose que tu es Jang Jae Hwa. Bienvenue à toi. Tes parents ne vont pas tarder nous les avons croisés en chemin. ».

Oui il avait la manie de se montrer très formel avec les gens, tel un Coréen par excellence, et il trouvait approprié d’appeler celui qui allait être son futur beau-fils par son nom complet. Cela expliquait entre autres pourquoi les conventions coréennes m’avaient vite tapé sur le système. Je fis de mon mieux pour esquisser un sourire, mais je n’obtins qu’un sourire en coin, qui montrait à quel point je n’éprouvais aucune sympathie pour mon père. Ce n’était pas parce que j’étais censée aimer Jae Hwa que je devais forcément me montrer agréable avec lui désormais. La sonnette retentit de nouveau et je supposai que les parents de mon fiancé devaient être arrivés. J’osais espérer qu’ils sauraient se montrer plus chaleureux que mes parents à moi, sinon nous n’allions jamais nous en sortir.

Let's go to the USA !
Jae Hwa & Katherine

Mon frère, cet abruti d’idiot d’enfoiré de… Grr. Je pris une grande inspiration, ne voulant pas donner la satisfaction à mon aîné qu’il avait réussi à me mettre de mauvaise humeur, même si c’était effectivement le cas. Dans ce plan idéal que Jae Hwa et moi avions concocté, il avait fallu que j’oublie de trouver une parade aux piques ô combien désagréables d’Edward. Le malaise qui suivit son intervention me montra à quel point personne dans la pièce ne l’approuvait en réalité, en particulier venant des jumeaux. Leur silence était beaucoup plus significatif qu’on ne pouvait l’imaginer. En ce qui concernait Jae Hwa, eh bien, il ne se gêna pas pour contrer la « taquinerie » de mon frère et le remballa d’une manière assez extraordinaire. Il n’avait pas été trop agressif mais son intervention faisait clairement comprendre à Edward que pour un mariage digne de ce nom, il fallait y mettre le prix. Et cela sans même que je lui aie mentionné le fait que mon frère était lui-même fiancé mais si j’en croyais l’expression de mon aîné, il s’était de toute évidence senti offensé. A croire qu’il ne s’était pas montré si extravagant pour sa propre fiancée. S’il savait que c’était pour le bluff il n’en serait que plus indigné à mon avis.

Je me retins de sursauter quand Jae Hwa m’enlaça par la taille tout en me complimentant, ce dont je profitai pour lancer un sourire narquois à mon idiot de frère. Haha. Lui qui pensais que j’étais une cause désespérée, le voilà convaincu du contraire, même si tout n’était qu’illusion. Cela ne dut pas vraiment lui faire plaisir puisqu’il décida d’aller chercher une meilleure place pour sa voiture de sport chérie, nous débarrassant de sa présence indésirée. Maman ne chercha même pas à l’en empêcher. A croire que même elle ne pouvait plus supporter ces élans de conneries monstrueux. Aurait-elle pris conscience du ridicule de tout cet univers, enfin ? Jae Hwa s’adressa alors à Mike et Lily, leur faisant part de combien je les portais dans mon cœur, ce qui sembla les toucher à première vue. Ils restaient ceux dont j’étais la plus proche, puisqu’eux n’avaient pas sombré dans la bêtise familiale. Le sourire que Lily adressa à Jae Hwa me montrait que pour elle il faisait déjà partie de la famille et je la voyais déjà le solliciter pour jouer les grands frères à la place de l’incompétent d’aîné que nous avions. Le pauvre, il allait regretter d’avoir mis les pieds dans ma maison.

En revanche, je fus tout à fait surprise qu’il se tourne vers ma mère pour complimenter la maison. Même s’il était supposé jouer le genre idéal, je ne pouvais pas ignorer la profonde rancœur qui m’habitait concernant l’histoire terrible de la famille. En tout cas, je ne pouvais pas lui reprocher de ne pas jouer son rôle à la perfection. Peut-être essayait-il de paraître le plus charmant possible pour s’excuser d’avance du goujat qu’il allait bientôt devenir ? C’était une hypothèse. Quant à ma génitrice, elle semblait étrangement ne pas trépigner de joie. En fait, elle adoptait exactement l’attitude que j’aurais souhaité qu’elle ait les nombreuses fois où ils avaient tenté de me marier contre mon gré. Pourquoi était-ce précisément quand je voulais qu’ils pensent que tout allait bien qu’elle devait me faire ce coup-là ? J’en rageais presque. Mais la sonnette d’entrée ne me laissa pas le temps de rager.

Maman se précipita pour aller ouvrir et quelle ne fut pas mon drame intérieur quand je vis Edward et mon père entrer tour à tour dans la maison. Pitié, faites que tout cela passe très, très, très vite. Pour un Coréen d’origine, mon père avait une statue très imposante qui faisait qu’on pouvait facilement le trouver intimidant, voire avoir peur de lui en fait. Ses employés devaient être terrorisés en sa présence, j’en étais totalement convaincue. Comme toujours il demeura impassible à la vue de tous, même à celle de ma mère qui n’eut droit qu’à un bref « Bonjour ». Ouhlà. Il y avait anguille sous roche. Ils se montraient plus affectueux que cela en général. Quant aux jumeaux, il se contenta de leur tapoter brièvement la tête en guise de salut, comme s’il pensait qu’ils avaient encore dix ans. Et puis il vint se poster devant moi et Jae Hwa, le regard inquisiteur, comme s’il nous passait aux rayons X pour chercher à voir où était le piège. « Bonjour Katherine, juste pour information, il avait toujours l’art de prononcer mon prénom à la coréenne, ce que je trouvais très moche, je suppose que tu es Jang Jae Hwa. Bienvenue à toi. Tes parents ne vont pas tarder nous les avons croisés en chemin. ».

Oui il avait la manie de se montrer très formel avec les gens, tel un Coréen par excellence, et il trouvait approprié d’appeler celui qui allait être son futur beau-fils par son nom complet. Cela expliquait entre autres pourquoi les conventions coréennes m’avaient vite tapé sur le système. Je fis de mon mieux pour esquisser un sourire, mais je n’obtins qu’un sourire en coin, qui montrait à quel point je n’éprouvais aucune sympathie pour mon père. Ce n’était pas parce que j’étais censée aimer Jae Hwa que je devais forcément me montrer agréable avec lui désormais. La sonnette retentit de nouveau et je supposai que les parents de mon fiancé devaient être arrivés. J’osais espérer qu’ils sauraient se montrer plus chaleureux que mes parents à moi, sinon nous n’allions jamais nous en sortir.

Let's go to the USA !
Jae Hwa & Katherine

Si l’on m’avait un jour que je serais amenée à revoir les deux hommes que je haïssais le plus au monde – qui faisaient partie de ma famille de surcroît, quelle ironie ! – je ne l’aurais certainement jamais cru et j’aurais aussitôt songé que j’allais avoir un grave accident, que j’allais frôler la mort ou qu’on allait me faire un chantage ignoble. Le genre de circonstances extrêmes qui ne seraient probablement jamais arrivées en vérité et c’était le concept : je comptais ne jamais revoir ni mon frère ni mon père. Surtout mon père en fait, Edward étant juste un petit con, mais mon père, c’était l’incarnation absolue de l’indifférence et de l’inhumain. Honnêtement, des personnes qui laissaient leur sœur dans le coma sans rien faire parce qu’elle avait préféré l’amour à l’argent, je ne pensais pas en trouver beaucoup tout de même. Je m’étais bien gardée de révéler ce drame familial à Jae Hwa, sans quoi il n’aurait probablement pas été en mesure de saluer mon géniteur aussi poliment qu’il venait de le faire. Moins il en savait sur ce sujet sensible, mieux c’était. Personne dans cette maison ne devait avoir envie de remettre cela sur le tapis de toute évidence.

Et là vint notre salut, soit les parents du jeune homme enfin arrivés. C’était comme si une bouffée d’air frais avait fait son apparition dans notre logis, sans exagération. A vrai dire, je n’aurais jamais pu imaginer que mes parents avaient des amis si enjoués et je songeais qu’ils devaient de toute évidence être les amis de ma mère en premier lieu. Mon père n’aurait jamais pu se faire de tels amis, à vrai dire, je ne savais même pas s’il était capable d’avoir des amis tout court. J’esquissai un sourire, sincère pour le coup, quand la mère de Jae Hwa me complimenta. Elle semblait si chaleureuse avec moi, j’avais l’impression qu’elle me considérait déjà comme sa belle-fille. L’intervention du père me prouva que j’avais eu tort et qu’en réalité, c’étaient nos pères qui étaient amis à la base. Wouah. Soit mon père était un hypocrite de premier ordre, soit cela de Jae Hwa était également un psychopathe. Quelques mots et mes parents décidèrent d’accord comme un accord que nous pouvions passer à table sans plus attendre. Haha, j’allais avoir la joie de découvrir le plan de table. Rien de bien surprenant heureusement, les mères étaient l’une en face de l’autre, comme les pères. Je me trouvais à côté de Jae Hwa, placé en face de Mike, lui-même à côté de Lily. Le bout de table avait été généreusement attribué à Edward.

Ma mère avait fait un plat spécialement coréen pour l’occasion, ce qui m’attrista. Moi qui pensais au moins pouvoir profiter de cette occasion pour savourer sa cuisine occidentale, je tombais de haut. Mais je n’eus pas le temps de me lamenter sur mon sort, puisque Jae Hwa avait décidé de passer à l’attaque. En effet, après avoir bu son verre d’une traite – ce qui me donna déjà une indication quant à ce qu’il s’apprêtait à faire – il se lança à merveille dans son rôle. Pour ma part, j’observai les diverses réactions à chacune de ses annonces. A l’évocation de Las Vegas, le visage de mon père se crispa, sans doute parce que mon fiancé venait de briser ses idéaux de mariage coréen en bonnes et dues formes. Je pouvais clairement déceler qu’il prenait Jae Hwa pour un petit impertinent oisif. En revanche, ma mère ne parut pas hostile à ce projet et je pouvais presque croire qu’elle était heureuse à l’écoute de cette nouvelle. Etait-il possible qu’elle se réjouisse parce que nous nous marierions dans son pays natal ? Mystère. Si elle savait…

En ce qui concernait son « autorité » qu’il avait évoquée, je compris que cela rassura mon père dans un sens. Il devait sûrement être heureux que ce ne soit pas moi qui ait inspiré cette idée dépravée selon lui et que Jae Hwa allait exercer son « autorité » à l’avenir. Une simple réflexion au père de ce dernier et nous serions remis sur le bon chemin en résumé. Au fur et à mesure que Jae Hwa me rabaissait, les réactions de mes parents s’inversèrent. Mon père esquissait un sourire narquois qui ne cessait de grandir, tandis que ma mère serrait sa fourchette de plus en plus fort, de peur de faire un scandale. Quelque chose me disait que la crise n’était pas loin. « Bien parlé mon garçon !, approuva mon père en levant son verre dans sa direction, je me suis toujours douté qu’elle n’avait voulu devenir styliste que par caprice. Une femme qui ne manque de rien n’a pas besoin de travailler de toute façon. Ça nous aurait aidé pour les enfants. ». Ce fut à mon tour de serrer les dents ainsi que ma fourchette. Je n’arrivais pas à croire qu’il puisse dire cela devant des invités, s’en prendre à moi comme cela. C’était fort tout de même d’oser affirmer que j’étais capricieuse. De plus, la pique qu’il avait faite à Maman était également de mauvais goût à mon sens, même si je ne pouvais pas nier le fait qu’il nous avait clairement manqué une présence maternelle dans notre enfance. Mais pourquoi rejetait-il la faute si aisément sur elle ?

« Bref, tu as ma bénédiction. Cela vous va si on fait le mariage le mois prochain ? ». Silence de plomb. Bref cependant. Sans doute gênés, les parents de Jae Hwa ne répondirent pas tout de suite. Et ils ne le purent pas ensuite. Ma mère claqua violemment sa fourchette sur la table et ce fut à ce moment que je pris conscience d’une chose : elle était aussi crispée et hors d’elle que moi depuis plusieurs minutes. Que se passait-il ? « Ta bénédiction ? Il a ta bénédiction ? Eh bien que ça soit clair, il n’a pas la mienne en tout cas, déclara-t-elle sèchement en foudroyant Jae Hwa du regard, tu peux m’expliquer à quoi tu joues ? Parce que moi je n’ai pas l’intention de laisser ma fille gérer un bordel ! ». Je restai bouche bée. Depuis quand au juste prenait-elle ma défense ? C’était totalement nouveau et inattendu. Je n’étais pas la seule à être surprise, les jumeaux l’étaient tout autant alors qu’Edward la fixait d’un air désinvolte.

Je dus me contenir pour rester calme quand mon père émit un petit ricannement. « Voyons, voyons, tu sais autant que moi que Katherine est une cause désespérée et… ». Il n’eut pas le temps d’achever, puisque Maman le coupa, d’autant plus furieuse. « Une cause désespérée ? T’es-tu seulement jamais intéressé à ce qu’elle faisait ? As-tu jamais regardé un des modèles qu’elle a dessinés ? Moi oui, affirma-t-elle avec une certaine fierté en allant chercher quelque chose dans l’armoire, des croquis que j’avais envoyés à Mike et Lily mais dont je ne pensais pas qu’ils attireraient l’attention de ma mère, regardez Monsieur Jang, regardez Madame Jang. Vous trouvez que ma fille est une mauvaise styliste ? Eh bien moi pas. Elle a le droit faire le métier de son choix et il n’est pas question de votre fils l’en empêche. »

Wouah. Je dus reconnaître que j’étais impressionnée. Je ne pensais qu’elle me défendrait comme cela, oh non. Je croyais que les mettre dans tous leurs états prendraient plus de temps que cela en vérité. Mais il fallait croire que quelque chose s’était produit pendant mon absence et que je n’avais fait qu’allumer la mèche sur un terrain couvert d’huile. Mon père saisit alors brutalement le poignet de ma mère pour la forcer à se rasseoir, la mine sombre et contrariée. Ouhlà. Ce n’était pas bon signe. « Je m’en fiche. Sympathique ou pas, ce jeune homme vient d’une famille respectable qui nous apportera un grand bénéfice. Cela ne fera que du bien à Katherine. ». Hum. Quelque chose me dirait qu’il n’était pas prêt de lâcher l’affaire. Cette fois, ce fut ma mère qui laissa échapper un ricanement narquois. « Oh vraiment ? C’est vrai que ça nous a bien réussis. Nous avons quatre enfants mais nous les avons négligés. Et au final, tu as préféré te faire tes secrétaires qui voulaient juste de beaux bijoux ! ».

Pause. … QUOI ???!!! J’eus l’impression que ma mâchoire s’était décrochée, comme dans les dessins animés. Mon père, cet abominable monstre sans cœur, trompait ma mère ? Rien ne l’arrêtait, vraiment rien. Il me sembla que tout le monde eut à peu près la même réaction que moi, alors que la colère de mon père semblait croître toujours plus. Tout s’éclairait. Maman était seule. Elle avait compris ses erreurs. C’était pour cela que son comportement avait changé à mon égard. Sur ce, elle se leva, prête à se rendre dans la cuisine mais elle s’arrêta en chemin. « Oh et pour information, elle s’appelle Katherine, dit-elle avec sa prononciation américaine parfaite, je ne l’ai pas nommée ainsi pour que tu écorches son nom à volonté. ». Et elle quitta la pièce. Ok. Alors ça ce n’était pas du tout prévu comme je tentai de le faire comprendre à Jae Hwa d’un regard. Je ne m’attendais absolument pas à ce que mes parents nous jouent une scène de ménage sur commande, au contraire. Je chuchotai à mon acolyte que j’allais rejoindre ma mère puis me levai à mon tour.

« Reste là. Nous n’avons pas fini de discuter. ». Je fis volte-face, furieuse à mon tour, sauf que je faisais beaucoup plus peur que Maman quand j’étais sur les nerfs. Un trait que j’avais probablement hérité de mon paternel en vérité. J’avais joué le jeu jusque-là mais il y avait des limites. « Toi, tu la fermes. Tu n’as plus aucun droit de nous donner des ordres, à aucun d’entre nous. On en a fini tu vois, il n’y aura pas de mariage. Il n’y aura jamais de mariage qui t’arrange. On n’a pas envie de foutre en l’air nos vies comme toi tu vois. Je suis désolée Monsieur et Madame Jang, Jae Hwa vous expliquera. ». Je repris donc mon chemin mais il semblait s’obstiner puisqu’il me saisit par le poignet. Je lâchai un soupir avant de lui faire une jolie prise pour le mettre au sol, sans la moindre peine. « Je constate que le self-defense est une bonne chose. ». Cette fois, je pus enfin rejoindre Maman, en larmes, dans la cuisine. Je la pris dans mes bras contre toute attente et lui caressai doucement les cheveux. Quelle journée !