Le jour où tout a basculé. Le nom d'une émission de télévision regardée par plus de quatre-vingts pourcent des Français, mais nous ne sommes pas en France. Et aujourd'hui est le deuxième anniversaire de celui qui fût mon mari et de celle qui allait devenir ma fille. Sauf, que depuis une semaine, je m'enferme dans mon appartement à me saouler, manger des pizzas, du poulet frit, chanter faux et sauter partout sur les meubles. Dormir était une torture, une semaine que mes cauchemars s'intensifient, l'accident, la mort de Joon Hee, puis le coup divin. Perdre Yeon Hee. Et quoi de mieux pour oublier cela que de boire jusqu'à obtenir blackout total, mais le souci avec un blackout est que le lendemain matin, les souvenirs te reviennent en pleine face et tu te remets à boire. Digne d'une alcoolique. Mais quoi ? J'ai le droit, j'ai tout perdu en un seul jour, comme si l'on me punissait d'être heureuse. Il fallait donc que je sois comme mon père ? Une dirigeante impitoyable, condamnée à un mariage sans amour ? En même temps, je me dis que cela serait le mieux pour moi, baisé sans émotion, juste, par pulsion sexuelle. Oui, je peux le faire, c'est ce que je faisais avant de me calmer et de tomber enceinte, mais non. C'est impossible, j'ai encore le visage de Joon Hee lorsque j'ai des histoires d'un soir. Il me hante, me détruit de l'intérieur et contribue à me rendre encore plus amer de jour en jour. La seule que j'ai trouvée est de boire, encore pire pendant cette période. C'est donc avec cette pensée que j'ai donné un congé d'une semaine à la gouvernante, les femmes de ménage et mon chauffeur personnel. Quant à ma sœur, je lui aie payé un séjour d'une semaine à New York avec sa meilleure amie, je voulais être seule, pleurer seule, chanter « all by myself » de Celine Dion seule. En bref, je être seule ou presque. Oui presque, puisque durant les trente minutes où j'étais encore lucide, je l'avais appelée pour qu'il me rejoigne boire un verre avant d'aller prendre une douche, car je puais le whisky à plein nez et le vomi. Pas très glamour pour : « Han Min Yeon, digne fille d'Han Hyun Ki. » selon les journaux. Beurk, une horreur, être assimilé à mon père m'était insupportable, mais j'étais forcée de constater que cela était vrai. Il m'avait éduqué à son image, impitoyable, sans cœur, toujours à vérifier mes moindres fait et geste et malgré sa nouvelle femme de dix ans mon ainée, il était resté le même. Combien de fois nous étions entrer en conflits, car il n'était pas d'accord sur mes décisions. Bref, je devais prendre un bain très rapidement et étant seule dans l’appartement, je me promenais nue afin d’aller me chercher une bouteille de champagne et une flûte, autant faire la dépressive avec classe, non ?

La baignoire était remplie d'huile essentielle à la lavande et en fond sonore la voix de Ray Charles chantant « Georgia » et un verre de champagne à la main. Il ni y n'avait pas à dire, être riche c’était le pied. « I say Georgia, oh Georgia no peace I find just an old sweet song »  Chantais-je en même temps que Ray, ce type était un génie de la musique. Le téléphone sonne, je réponds, l’agence qui me rappelle que j’ai un rendez-vous avec le nouveau dirigeant de Samsung. Bien que cela ne m’enchante guère, je confirme le rendez-vous et raccroche. L’heure passe étonnamment vite lorsque l’on attend quelqu’un, j’enfilais un soutien, un boxer et une chemise à manche de Joon Hee, oui je n’avais pas encore retiré ses affaires de la penderie, comme je n’avais pas déménagé son studio photo de l’appartement. Deux ans que ce studio reste fermé à clé, les seules personnes à y entrer étaient les femmes de ménage, je n’avais pas envie de le laisser prendre la poussière, mais c’était trop difficile pour moi d’y entrer et d'enlever les nombreux appareil à l'intérieur.  

Perdu dans mes pensées, il me fallait une minute pour entendre l’interphone sonner, c’était le concierge m’informant qu’un visiteur était arrivé et s’il avait l’autorisation d’entrer. Je l'informai que oui et de lui donner le code de l’ascenseur privatif qui menait directement à l’appartement. Quand je disais que c’était cool d’être riche, ce n’était pas des blagues. Laissant tomber mes cheveux qui avaient poussé depuis la dernière fois que j’avais vu Silver, je redescendis dans la cuisine, y sortir deux verres de whisky, les remplis et me posta devant l’ascenseur en attendant qu’il s’ouvre sur le merveilleux Apollon qui n’allait pas tarder à arriver. Bing. L’ascenseur s’ouvrit et de mon plus beau sourire, je lui tends gentiment son verre de whisky.

« Bienvenue chez moi. »

La façon dont s’habillait Silver était un plaisir pour les yeux. En plus du plaisir de voir Silver après tant de jours, j’avais l’immense honneur de le voir bien habiller. En même temps, s’il était arrivé sans t-shirt, cela ne m’aurait pas déplu. « évitons les pensées malsaines Minnie, c’est ton ami, essaie de garder le peu d’amis que tu as, okay. » Ma conscience avait raison, le nombre d’amis que j’avais sur Incheon avait considérablement diminué depuis mon retour de Londres. J’étais devenu beaucoup plus distante avec les gens que je connaissais un minimum et ne gardait que mes relations professionnelles. Selon mon psy, c’est un mur que je me suis mise pour éviter de souffrir encore une fois. Ce qui était une affirmation véridique, puisque j’en étais conscient. En gros, je ne trouve du réconfort que dans le travail et ne m’accorde aucune distraction, sauf exception qui se faisait de plus en plus rare. J’avais un besoin de contrôler tout ce qui m’entoure, autant mon travail que mon entourage. Une nouvelle politique que je me suis imposée depuis l’accident de voiture et durant mon séjour à Londres. J’étais devenu une maniaque du contrôle au détriment de mon entourage. Bref, je devais pensée à autre chose et Silver allait m’aider à cela, même je devais le rendre saoul.

« Oui, j’avais envie de les laisser plus longs cette fois et retrouver ma crinière de lion, mais j’ai laissé tomber la coloration, le noir c’est bien aussi et puis cela donne un air plus… sérieux dans le travail.  » Lui répondis-je avec un sourire avant de boire une gorgée de whisky. « Je n’en attendais pas moins de ta part très cher.  » Le laissant s’installer tranquillement dans le salon afin qu’il se sente à l’aise, je me rendis dans la cuisine et trouver quelque chose de mangeable dans le frigidaire, sans pour autant trouver mon bonheur. Le frigo était essentiellement rempli de yaourt, de légume et de fruit. Ce que je n’avais pas envie de manger, j’avais besoin de manger du gras, des friandises, mais pas des aliments sains. Je devais faire passer ma frustration sur quelque chose et quoi de mieux que la nourriture ? Bref, il ni y avait rien dans le frigo, il fallait donc commander et se faire livrer. « Ummhhh, tu veux manger quelque chose en particulier ? Du poulet frit ? De la viande bien grasse avec des frites ? Enfin déjà est-ce que tu as mangé ?  » Criais-je depuis la cuisine.

Arquant un sourcil, je venais de me rendre compte que je ne savais pas où était passer mon téléphone, ce qui est chose anormale sachant que je l’ai toujours près de moi. Tapotant des doigts la table de travail,  en buvant une gorgée de mon verre, j’essayais de me rappeler où j’avais bien pu mettre mon téléphone. Mais rien ne me venait à l’esprit et c’était assez frustrant.

« Tu as ton téléphone sur toi ? » Nouvelle demande que je lui fis en arrivant dans le salon. En même temps qui ne l’a pas sur soi ? Mais sait-on jamais, vaux mieux prévenir que guérir.

Spoiler:

J'étais soulagée d'entendre qu'il n'avait pas encore mangé, c'était assez gênant et déstabilisant de manger pendant que la personne en face te regarde manger, comme si cela ne le dérangeait pas et que dans sa tête il pense que je suis une espèce de boulimique qui après avoir fini mangé ira directement au trône de plastique pour ce faire vomir. Regardant le plafond de ma cuisine, je remerciais le ciel de me donner cette consolation dans le moment le plus atroce de toute ma vie. Mais je ne devais pas penser à cela, pas tout de suite, peut-être lorsque je serais assez saoul pour le maudire, il avait gâché ma vie et je ne savais toujours pas ce que j'allais faire dans ma vie sentimentale. Peut-être avoir 273 chats et mourir vieille fille ? C'était une idée à prendre en compte sachant que j'étais en bonne voie pour le devenir. Dans l'immédiat, j'avais des choses plus urgentes à faire comme retrouver mon téléphone qui avait mystérieusement pris la fuite entre mon bain et le moment où je m'étais habillé. Cependant, il y avait une deuxième solution qui serait beaucoup plus rapide, car si je commençais à chercher où j'avais bien pu mettre mon téléphone, nous pourrions mourir de faim. C'est donc avec beaucoup d'enthousiasme que je m'étais rendu dans le salon face à Silver pour lui demander s'il avait son téléphone sur lui. Heureusement pour nous, son téléphone était bien avec lui. Sourire aux lèvres, je levais les pouces en l'air et lui passait ma commande qui consistait à une boîte de douze poulets, d'une portion de frite format XL et d'un fondant chocolat. Il ne manquait plus qu'une chose à ce décor qui me semblait assez parfait. De la musique, nous manquions cruellement de musique et... de bouteille d'alcool. Je nous avais servi deux verres de whisky, mais je n'avais pas préparé la table basse, je devais y remédier. Retournant dans la cuisine, j'entendis la question de Silver pendant que je tentais de prendre un maximum de bouteille dans les bras.

« Umh toujours pareil, maison, boulot, dodo, rien de vraiment passionnant et toi ? »

Une vie de femme sans vie en dehors de son travail et c'était assez flippant. Je commençais à ressembler à ses vieilles femmes aigries et en manque. Cela faisait combien de temps que je n'avais pas eu d'aventure d'une nuit ? Depuis assez longtemps pour que je ne m'en rappelle pas. Je devais y remédier et pourquoi pas ce soir, un début de vie sociale. « Allez Min Yeon, tu peux le faire, fighting ! » Me disait ma conscience. D'une démarche assurée, je refis mon apparition dans le salon avec de quoi ne plus avoir soif durant la soirée. Posant les bouteilles sur la table basse avec précaution, je retournais dans la cuisine afin de prendre d’autre verre utile dans le bon fonctionnement de la soirée. Il nous fallait des shooters et deux verres de vin.

« Est-ce que tu pourrais mettre de la musique ? Mets ce qui te plaît. »

Tout était quasiment parfait, nous avions de quoi boire, de la musique et il ne restait que la nourriture.

« Voilà, si tu as une envie particulière, tu as du whisky, du vin, de la téquila, du Jägermeister, de la redbull et même du coca au cas où et pour éviter de mélanger tout cela dans un même verre, tu as plusieurs verres à ta disposition. »

En observant la table, j’étais assez satisfaite de moi, j’avais quand même de quoi recevoir des invités à l’improviste. Sourire victorieux, je m’installais face à Silver et me servit un verre de vin rouge.

Lorsque l’interphone sonna, j’étais à mon cinquième verre de vin et mon deuxième verre de whisky. Le concierge m’informait qu’un livreur était à l’entrée et qu’il lui fallait une confirmation du lieu de livraison.

« La bouffe est arrivé. On va manger, on va manger, on va manger... Haaaaaaaaaa je suis à moitié nue Silver, on va croire que je suis une dévergondée, Tata je vais chercher l’argent et puis tu iras payer à ma place. »

Sans attendre de réponse de Silver, j’attrapais mon portefeuille et y sorti un billet qui couvrira largement les frais de livraison, le montant de la commande et le pourboire.

« Tiens… Pali pali il arrive bientôt, je vais me cacher dans la cuisine. Ciao. »