Quatre jours. Déjà quatre jours que je suis là et pourtant, j’ai l’impression que je suis arrivée seulement hier. Les jours défilent et pour l’instant, aucun d’entre eux ne se ressemble. Il faut dire que la famille Ahn fait tout pour me mettre à l’aise. Ils cherchent à ce que je me sente chez moi à n’importe quelle occasion et même si j’ai encore un peu de mal à me faire à ce changement pour le moins brutal, je m’accommode peu à peu au mode de vie de la famille. Il faut dire que chez eux, les règles ne sont pas les mêmes. Peut-être aussi parce que je reste une invitée et qu’ils n’oseront jamais me parler comme si j’étais leur enfant. De mon côté, c’est la même chose : je demande encore la permission pour utiliser les toilettes et je ne m’aventure jamais seule dans une pièce, sauf la mienne. Heeyeon a beau insister en disant que je suis ici chez moi, je ne peux pas encore me permettre de faire beaucoup de choses. Cette journée n’échappe pas à la règle : ce soir le fils unique de la famille, Jacob, fera son retour de l’armée et ses parents comptent l’accueillir comme il se doit. Pour ceci, ils décident de nettoyer la maison mais ne me laissent pas lever le petit doigt du canapé. Je peux faire tout ce qu’il me chante sauf apporter mon aide aux tâches ménagères. Quelque chose qui m’agace au plus haut point, surtout lorsque je vois que le père de famille a du mal à manier la serpillère. Je reste donc immobile, essayant de tenir le chien près de moi pour éviter que celui-ci n’aille remettre ses poils aux quatre coins de la demeure et regarde le couple faire le ménage. Je suis plus gênée que je ne l’ai jamais été, c’est à peine si j’ose les regarder tant je me sens mal à l’aise de rester là à ne rien faire. L’après-midi défile donc très lentement; après avoir énormément insisté, Heeyeon me laisse préparer un gâteau pour après le dîner et c’est lorsque je mets ce dernier au four qu’on sonne à la porte. Mon ventre se serre, impatiente de découvrir le seul membre de la famille que je n’ai pas vu jusqu’alors. Ses parents m’ont parlé de lui à maintes reprises en un court laps de temps et je suis curieuse de mettre enfin son nom sur un visage. Je reste en retrait, laissant les parents recevoir leur enfant après ces deux années. Et là…
C’est comme si je venais de recevoir une puissante décharge électrique. Cette sensation qui vous prend de l’intérieur et qui vous propulse à des kilomètres alors qu’en réalité vous ne bougez pas d’une semelle. Votre corps qui s’embrase et qui vous rend plus mou que de la guimauve, plus chaud que la braise et qui fait palpiter votre cœur. J’ai l’étrange impression de faire partie de ce monde mais d’être ailleurs en même temps, d’être quelque part haut perché, assez pour pouvoir hurler sans se faire entendre : « Ce garçon est magnifique ! » Mes yeux ne le lâchent pas une seule seconde, mes doigts entrelacés tremblent à en faire moitir mes mains, mon corps tient debout Dieu seul sait comment, c’est une situation que je n’ai jamais connu. Il faut dire que jamais encore je n’avais ressenti un tel sentiment en voyant un garçon. D’habitude, je les calcule à peine et ne leur porte pas le moindre intérêt mais Jacob m’est apparu différemment. Il ne semble pas être comme tous les autres, du moins c’est le sentiment qui ressort lorsque je le regarde. Et il a eu le mérite d’accrocher mon regard, ce qui n’est pas chose facile avec la gente masculine. Non pas que j’y reste insensible, je n’y ai juste jamais porté un grand intérêt jusqu’à aujourd’hui. Mais lui… Son visage angélique, son regard noir profond, son nez fin et pointu, son air supérieur (que j’aurai d’habitude trouvé détestable mais qui lui va tellement bien), son… corps entier. De la grosse semelle de ses chaussures à ses cheveux, il est… Il n’y a pas de mots. La façon dont sa mère l’étreint est touchante, on remarque directement que c’est son fils unique. Elle a cette manière de l’enlacer qui se trouve être très protectrice, très tendre et surtout remplie d’amour. On dirait qu’elle veut lui transmettre tout son amour et son affection en un câlin. Son père lui, se contente de la bonne vieille étreinte d’homme fier de son fils et c’est tout aussi touchant à voir. Quant à moi, je ne sais comment l’accueillir. Une révérence serait-elle assez ? Je l’ignore, à vrai dire je n’ai même pas le temps de vraiment y songer. «
Mon poussin, voici Dinah ! C'est la fille d'une amie à moi ! Elle vit ici depuis quelques jours et elle est là pour une année ! Elle étudie dans la même université que toi ! » explique alors Heeyeon, enjouée. C’est ce moment que je choisis pour me baisser poliment, aussitôt un peu refroidie par les paroles du beau brun. «
Je vois...pas la peine de me présenter dans ce cas. » Oh si, il aurait pu ! Bien sûr qu’il aurait pu ! J’aurai été ravie qu’il me dise son prénom en me regardant dans les yeux… En réalité, c’est à peine s’il me calcule. Ca ne fait rien, je comprends tout à fait. Il vient d’arriver et je ne suis qu’une inconnue à ses yeux, il faut qu’il s’habitue à ma présence.
Je dois avouer que je m’attendais à un accueil un peu plus chaleureux de sa part mais je pense que ce n’est pas non plus de sa faute, il ne s’attendait pas non plus à me découvrir dans sa maison en rentrant chez lui, surtout pas pour une année entière. «
Oh non Jacob pas besoin de monter tes affaires maintenant ! On a prévu un bon repas aujourd'hui, en plus ! Viens ! Tu vas m’aider ! Va mettre la table tout de suite comme ça, ça sera fait ! » Je me tourne directement vers Heeyeon, bouche bée. Je m’avoue un peu surprise de la façon dont elle s’adresse à son fils pour le coup. Ce dernier vient à peine d’arriver de deux ans de service et il est déjà réintégré à la famille comme si de rien n’était et je me sens gênée de le voir participer alors que je sais très bien que la mère de famille refusera directement mon aide. Je reste immobile en plein milieu de l’entrée, en fait je n’ai pas bougé depuis l’arrivée du garçon. Tous les autres sont déjà repartis vaquer à leurs occupations, ça m’attriste. «
La prochaine fois demande à la fille de ton amie, elle doit mieux savoir que moi où se trouvent les couverts… » Je me retourne pour voir Jacob passer à côté de moi. Il est grand. C’est encore plus charmant. Mais ce qu’il dit à sa mère me fait du mal même s’il a totalement raison. Je sais où sont les couverts, je peux aider moi aussi au lieu que ce soit lui, fraîchement revenu de l’armée, qui le fasse. Je ne voulais rien dire mais cette petite pique que le garçon me lance indirectement a le mérite de me réveiller. «
Oui ! Je… Enfin, votre fils a raison. » Heeyeon pose une main sur mon épaule. «
Je t’ai déjà dis de me tutoyer, ma chérie. » Et je lui ai déjà dis que je n’y arrivais pas mais inutile de le répéter. «
Je veux aider à mettre la table, je peux le faire ! Laissez votre fils monter ses affaires, je vais mettre la table ! Sincèrement, je… Je me sens très mal de rester là sans rien faire alors que… que… qu’il vient de revenir et… S’il-vous-plaît, laissez-moi mettre la table à sa place. » Je réponds en regardant la mère dans les yeux, l’air suppliant. Elle s’approche alors de moi et pose ses mains sur mes épaules en souriant doucement. «
Bon, puisque tu insistes… Va monter tes affaires Jacob. Mais remercie Dinah avant, tu as de la chance qu’elle soit gentille ! Elle est adorable de te laisser t’esquiver comme ça ! »