La journée s'annonçait affreusement longue. Comme souvent. Pas comme toujours, heureusement. Tao Jun avait beau ne pas avoir grande satisfaction de son travail, il devait reconnaître qu'il n'y avait pas que des désavantages. Bien que ça ne soit pas par vocation, il avait la fibre commerciale. Il savait comment mener l'affaire familiale, n'en déplaise à sa mère et à son feu père. Ses employés étaient sympathiques pour la plupart, quoi que trop obséquieux face à son rang de directeur... Et pourtant, ce n'était pas faute de se montrer détendu et amical avec ses employés ! Il avait beau être à la tête du groupe, Tao Jun n'avait pas la poigne de fer de son père. Se sentir supérieur aux autres n'avait pas grand-chose pour lui plaire. Même si de toute évidence, ça lui conférait quelques atouts non négligeables. La reconnaissance, le respect, tout ça... Il ne se voyait pas non plus au bas de l'échelle sociale, trop habitué et attaché au confort qui avait toujours été sien. Mais comme on dit, il y a un juste milieu à tout, et il arrivait à Tao Jun de vouloir s'y situer, justement !

Bref. Comme à son habitude, il s'était rendu au Charlie Brown qu'il avait l'habitude de fréquenter en semaine. La tasse de café du matin faisait partie de sa routine quotidienne de patron... Et c'était l'un des rares moments de la journée qu'il appréciait pleinement ! Ça, et les heures de pause pour papoter. Et la sortie des bureaux aussi, tout de même. Comme à son habitude, il avait échangé quelques mots avec un serveur qu'il commençait à bien connaître. Puis, journal sous le bras, il avait prit place à une table au centre de la vaste pièce pour lire les actualités, tout en sirotant une grande tasse de café.

Son regard se désintéresse du journal, le temps qu'il ne termine sa tasse. Un coup d’œil à sa montre lui informe qu'il avait encore tout le temps de se rendre au bureau... Et alors qu'il s'apprête à commander à nouveau, son attention attirée par un jeune homme l'en empêche. Un petit sourire amusé arque les lèvres du jeune homme, qui s'empresse de se lever pour rejoindre le presque inconnu. Mikhaïl. Ils avaient longuement parlé, alcool déliant les langues oblige. Et pour ce que Tao Jun avait pu en juger... Son vis à vis avait eut une sacrée vie de merde ! Sans trop savoir de ce dont il allait parlé avec ce client improvisé, Tao Jun se plante à côté du Russo-coréen.

« Je vous sers quelque chose ? » interpelle t-il, un sourire aux lèvres. MikhaÏl semble perplexe un court instant... Avant de sembler terriblement gêné ! Un petit rire s'échappe, pas moqueur pour autant. Tao Jun fait signe au serveur d'apporter deux cafés à cette même table. « Comment ça va, depuis la dernière fois ? Pas trop de mal à décuver ? » interroge t-il, aussi amène qu'à son habitude.

Nouvelle journée de travail pour le Russe, mais pour l'heure, c'était devant un café qu'il se trouvait avant de s’infiltrer dans les métro bondés du matin. Les fraîcheurs matinales étant encore présentes, ce fut avec plaisir que le danseur avait accueilli sa tasse brûlante de café noir, sans sucre comme à son habitude. Malgré les sept heures affichées à sa montre le café était bondé et il avait presque eu du mal à trouver une table où s'installer. La foule n'avait jamais vraiment été le fort du jeune homme, qui se laissait même parfois aller à des élans d'angoisse lorsque cette dernière était trop imposante. Je vous laisse imaginer le beau paradoxe lorsqu'il était encore un chanteur à midinette, les meetings et autres concerts étaient un calvaire pour Mikhaïl. Heureusement que cette époque était bel et bien révolue et qu'il ne revivrait jamais cet enfer. Il secoua la tête et agita brièvement la main dans l'air comme pour chasser ces pensées de sa tête plus efficacement. Pour une fois, il trouva une utilité à la foule présente en parcourant du regard l'assistance, Il reconnu même un de danseurs de la compagnie en train de prendre son petit déjeuner. Comme quoi, le monde était petit malgré ses 40 075 kilomètres de circonférence, ou alors l'être humain était très fort, aller savoir....

Néanmoins, le Russo-Coréen ne s'attarda pas plus que cela dans son observation et détourna bien vite le regard. Il ne s'entendait guère avec ce collègue et ne comptait pas engager hypocritement une conversation stérile remplie de questions creuses.  Il avait nombre de défauts, mais il pouvait se targuer de ne pas compter l'hypocrisie à son arc ce qui lui valait bon nombre de remarques acerbes. Perdu dans ses pensées il n'avait même pas remarqué qu'une personne avait prit place à la même table que lui. Ce n'est que la voix de l'inconnu qui venait de s'installer qui le sortit de sa torpeur . «  Je vous sers quelque chose ? » . Cette voix, ça lui disait quelque chose...Le danseur fit volte face et ne manqua pas de sursauter devant la découverte du nouvel arrivant. La surprise fut telle qu'il en renversa son café sur sa chemise immaculée. Enfin qui l'était... une belle tâche de café trônant fièrement en plein milieu laissant filtrer un «  Шлюха »* furax d'entre les lèvres du jeune homme. La journée commençait très bien ! Le visage du Russe rencontrant violemment la table, s'assurant ainsi qu'il était bien éveillé par la même occasion. « Un tabouret et une corde c'est possible ? Ou alors une pincée d'amour propre ce ne serait pas de refus maintenant.... »

Il entendit l'autre passer commande et se redressa afin de conserver le peu de dignité qu'il lui restait. Par chance, sa chemise avait été la seule à être touchée et son marcel était toujours aussi blanc que la neige qui  tombait sur la Place Rouge. Le vêtement maculé rangé dans son sac il reporta son attention sur son confesseur d'un soir. Il devait en tenir une sacré couche pour avoir prit cet homme pour un barman, quel blaireau il faisait.... « Comment ça va, depuis la dernière fois ? Pas trop de mal à décuver ? ». Le jeune danseur ne répondit qu'après avoir vidé à moitié la tasse de café brûlant qui venait d'arriver. Rien de tel pour vous donner un peu de courage !  «  Alors pour décuver pas de problème, oublie pas que je suis Russe ! Ahahah... restons dans le cliché, mais je devais être sacrément beurré pour te prendre pour un barman. Comment ça se fait que mes verres arrivaient tout de même d'ailleurs...tu les commandais pour moi ? Si tu me réponds oui je.... » Un long soupir franchit alors les lèvres du jeune homme. Il se surprit néanmoins à se livre à ce quasi inconnu avec une facilité déconcertante, peut-être parce qu'il n'avait plus rien à lui cacher ? Aller savoir. «  Sinon on va dire que je survis . Tu connais pas la meilleur maintenant je vis avec mon ex ! Magnifique non ? Quand je dis que les scénaristes de ma chienne de vie sont mauvais ! »

Une idée traversa à ce moment l'esprit du Russe qui s'empressa de reprendre la parole. «  Mais nous n'avons pas fait les présentations, du moins toi, moi je l'ai fait beurré ah ah ! La main du ressortissant se tendis devant lui et il s'autorisa un sourire. Yoon Mikhaïl l’alcoolique pas sy anonyme pour vous servir ! Lazarev pour ne plus avoir aucun secret ! Après tout, un peu plus ou un peu moins..autant finir ce qu'il avait commencé ! À qui ai-je l'honneur ? En tous cas, merci d'avoir supporté mes confessions alcoolisées d'il y a deux semaines... »

*«Putain»

Mikhaïl sursaute, ne s'attendant visiblement pas à être interpellé de la sorte... Et il ne fait pas semblant ! Le contenu de sa tasse à café est renversé, maculant sa chemise d'une belle tâche marron. Tao Jun a un sourire pincé, retenant un rire pour ne pas importuner le Russe qui jure dans sa langue natale... Avant que sa tête ne rencontre la surface plane de la table, visiblement désespéré. Une corde, un tabouret, un peu d'amour propre ? « Ha, j'ai pas ça en stock, désolé ! » plaisante Tao Jun, avant de reprendre. « C'est pas un peu radical, quand même ? »

Le temps que son voisin de table ne se débarrasse de son vêtement souillé, le jeune directeur passe à nouveau commande. Deux grandes tasses sont rapidement apportées, pour lesquelles il gratifie d'un sourire et d'un généreux pourboire. Une fois tasse en main, Tao Jun ne tarde pas à amorcer la conversation, prenant des nouvelles de ce quasi-inconnu dont il connaissait la vie en long, en large et en travers. Mikhaïl prend une longue gorgée de caféine, avant de lui répondre. Gênes obligent, passer outre le lendemain difficile n'était pas un problème. Un sourire amusé arque les lèvres du Coréen à ce cliché plus gros qu'une baraque, mais ne se fait pas moins attentif sur la suite. Le Russe était confus de l'avoir confondu avec un employé, mais ne manque pas de s'étonner que l'alcool ait continué de couleur à flot, tout civil soit son interlocuteur. « Effectivement. C'est un problème ? » interroge Tao Jun, quand même pas désireux de passer pour un type louche qui paye des verres à tout va pour mieux entendre le malheur des autres. Ça serait carrément glauque ça, non ? D'ailleurs il précise : « Promis, tes déboires se trouveront pas criés sur tous les toits, je sais tenir ma langue. »

D'ailleurs, le temps des révélations ne semblaient pas terminé ! Le vis-à-vis de Tao Jun lui annonce qu'il avait renoué contact avec son ex, et pas de la moindre des façons : ils vivaient ensemble. Haussement de sourcils, étonnement. « Hein ? Mais comment ? » demande le Coréen, tout de même curieux de savoir comment les choses s'étaient enchaînées pour que Mikhaïl en arrive à cette case.

Ce dernier s'interrompt soudainement, semblant se souvenir de quelque chose... Les présentations. Mikhaïl se présente à nouveau, main tendue en avant, avant d'ajouter son patronyme russe. Lazarev. Sourire amusé de Tao Jun, qui vient secouer la main de son voisin. « Kwon Tao Jun. Et pas de soucis pour l'autre soir, t'avais l'air d'en avoir gros sur la patate. » Il en ferait pas une vocation, mais ça le dérangeait pas plus que ça d'écouter, plutôt que de parler !

La journée ne pouvait pas mieux commencer qu'avec une tasse de café renversée sur votre chemise ! Enfin ne dite pas ça au Russe qui risquerait de vous mordre tient!Tandis qu'il pestifère dans sa barbe, son hôte retient un rire malgré un petit sourire qu'il retenait tant bien que mal. Mikhaïl eu d'ailleurs à cet effet un regard reconnaissant pour le jeune homme qui avait eu la délicatesse de ne pas encore plus blesser la fierté du danseur.  .Néanmoins, il ne put répondre à la commande de son client improvisé en l'informant d'un « Ha, j'ai pas ça en stock, désolé ! »  qui eu pour réponse un bref rire , bien que jaune, amusé. La plaisanterie était au moins passée, enhardi de son succès l'inconnu avait continué sur sa lancée. « C'est pas un peu radical, quand même ? ».  Mikhaïl lui fit alors signe de la tête que non. Toute personne le connaissant un minimum n'aurait pas été étonnée de cette réponse. Cherchez fierté ou orgueil dans le dictionnaire, il se pourrait très bien que vous trouviez la photo du jeune ressortissant Russe juste à côté. Et encore, cette réflexion était à peine exagérée !

La conversation poursuit son cours, Mikhaïl délesté de sa chemise tâchée et la table enorgueillie de deux nouvelles tasses fumantes. Une nouvelle fois le jeune homme ne manqua pas de vérifier certains clichés sur les habitants de son pays, ce qui sembla amuser son confesseur anonyme. Car, en plus d'avoir une vie au scénario douteux, son apparence mise à part, le danseur était tout ce qu'il y avait de plus caricaturale pour un Russe. Sûrement que les scénaristes de sa propre vie avaient travaillé sur le personnage lui-même. Dommage qu'il ne les connaissait pas, il aurait été enchanté de leur « parler en tête à tête ».... Mais revenons à la conversation qui avait lieu entre les deux hommes. Une question arriva dans cette dernière, le danseur étant étonné que l'alcool aie continué de couler alors qu'il faisait ses demandes à la mauvaise personne. Le jeune inconnu se pressa  alors de parer à sa curiosité . « Effectivement. C'est un problème ? Il s'empressa également de préciser. Promis, tes déboires se trouveront pas criés sur tous les toits, je sais tenir ma langue. ». Le ressortissant Russe eu un petit sourire amusé et ne tarda pas à lui répondre légèrement ironique. «  Pas comme certains lorsqu'ils sont trop alcoolisés. Sinon aucun problème, t'as pas l'air d'être un détraqué, et comme tu le sais, en gars pas bien net je m'y connais. Juste que la scène a bien du amuser le barman et les gars autour...ou leur faire pitié ahah... tu fais bien de ne pas avoir de tabouret et de corde en stock, ça aurait été dangereux maintenant je crois.. »

Contrairement à son habitude, Mikhaïl avait continué de se livrer, bien plus qu'avec nombre de personnes. Après tout, qu'avait-il à perdre ? Ses révélations semblèrent toutefois étonner son vis-à-vis. « Hein ? Mais comment ? » . Le jeune danseur n'avait pas répondu tout de suite, se rappelant que les  présentations n'avaient pas été faites. Croyez le ou non, ce dernier était à cheval sur les politesses malgré son inclinaisons pour les injures en tous genres, ah le paradoxe Yoon ! C'est ainsi que les présentations furent faite et conclues par une ferme poignée de main. « Kwon Tao Jun. Et pas de souci pour l'autre soir, t'avais l'air d'en avoir gros sur la patate. » Ah ça pour être au fond du trou, il l'était, malgré sa fierté fortement mise à mal par cet événement, il devait reconnaître que ce passage peu glorieux lui avait fait un bien fou. Le jeune homme n'étant pas du genre à se confier, comme quoi l'alcool parvenait bien toujours à délier toutes les langues, même les plus récalcitrantes ! « En avoir gros sur la patate... c'est un comble pour un Russe si on y pense bien . ». Avis aux incultes, la vodka boisson ayant pour berceau la Russie est produite à partir de pomme de terre. Minute de savoir terminée, nous pouvons maintenant poursuivre.

Enfin Mikhaïl revint à la question oubliée de inconnu, ou du moins Tao Jun. «  Sinon pour revenir au pourquoi du comment je me suis retrouvé en colloc' avec mon ex... Et bien une connaissance m'hébergeait, or un soir je suis rentré après un coup de fil douteux. Même pas dix minutes  après j'étais sur le trottoir. Je n'avais pas vraiment d'endroit où loger et l'hôtel c'est résolument bien au dessus de mes moyens, même pour du temporaire. Et demander de l'aide au ballet, ça aurait été du suicide social. Donc j'ai erré au hasard dans les rues et là comme par hasard, justement, je me suis retrouvé au pied de l'immeuble à mon ex. Puis le reste c'est pas bien compliqué à deviner sachant qu'il a le cœur sur la main. Néanmoins, il sorti une coupure de petites annonces pour des logements, je dois réussir à me loger rapidement. Il ne manque pas de me harceler..enfin  demander si j'ai trouvé un appart', et ce chaque jour. J'espère bien finir par trouver avant qu'on ne se saute à la gorge, je te dis pas l'ambiance ! C'est électrique ah ah.. »

Son regard se reporta alors sur la tenue du jeune homme qui était vêtu d'un costard cravate. Une nouvelle fois, sortant de son habituelle réserve, le jeune danseur s'aventura à une demande sur la profession de son confesseur d'un jour. «  Hum costard cravate...dis-moi tu ne serais pas un de ces businessman qui se pressent dans le métro le matin ? Tu bosses dans quoi si ce n'est pas trop indiscret ? Laisse moi deviner....textile ? Je m'avance même en disant que c'est une affaire familiale.» Mikhaïl prit alors un court temps de réflexion avant de continuer avec un petit sourire amusé par ce qu'il allait dire. «  Tu portes bien le costard en tous cas, pour être honnête, je t'aurais sûrement branché si tu ne m'avais pas vu dans un état aussi minable. Quoique... je mettrai ma main à couper que tu es hétéro ah ah. Il se fendit d'un petit clin d’œil. On a tous nos petit secrets. »Et celui-ci concernait les origines Tziganes du jeune Russe qui était très doué avec son sixième sens, ou divination, nommez cette facultés comme il vous plaira...

Tao Jun ne pouvait s'empêcher d'être amusé de la situation... En revanche, il pouvait comprendre que la réciproque n'était pas nécessairement là ! Pourtant, Mikhaïl ne l'avait pas envoyé bouler, avouant à sa manière qu'il était assez honteux que leur rencontre se soit fait dans de telles circonstances. Bah... Ce n'était pas le genre de choses auxquelles le jeune directeur tenait rigueur. Les rencontres pouvaient se faire n'importe où, n'importe quand, en n'importe quelle circonstance. Manque de pot pour le Russe, c'était un soir où il n'allait pas bien. Le Coréen s'était contenté d'être une oreille attentive et compréhensive, sans manquer d'assez de savoir vivre pour aller raconter cette mésaventure à quiconque voudrait bien l'entendre. Pas son genre. Puis bon, rien chez son vis-à-vis ne pouvait l'encourager à avoir une quelconque rancoeur à son son égard. Il éprouvait même une certaine sympathie pour ce jeune désoeuvré à l'histoire difficile. En même temps, il lui fallait pas grand-chose !

Le sujet de leur dernière soirée est abordé. Tao Jun avoue qu'il avait allongé la monnaie pour payer quelques verres à cette connaissance improvisée, se demandant soudainement si ça ne mettait pas l'intéressé dans l'embarras. Visiblement, ce n'était pas le cas : Mikhaïl lui accorde qu'il n'avait pas l'air d'un type louche. Soulagement.

Pour l'instant, le voisin de table ignore la question de Tao Jun, attendant visiblement que ce dernier ne se présente. Ce qu'il fait, ajoutant qu'il ne tenait pas rigueur de l'état de son vis-à-vis lors de leur rencontre. Un petit jeu de mot est lâché en guise de plaisanterie, qui fait doucement sourire le Coréen. Néanmoins, Mikhaïl ne tarde pas à entrer dans le vif du sujet pour répondre à la question précédemment posée. C'était quand même étrange comme situation, non ? Bien des choses avaient du se passer depuis leur dernière conversation... Et c'est bel et bien le cas ! Le jeune directeur apprend d'un pierre de coups que le danseur avait renoué contact d'une façon assez innatendue, et qu'il était à la recherche d'un logement. « L'ambiance doit être super sympa, chez vous, ouais ! » plaisante t-il pour essayer de relativiser un peu les choses. « Enfin, j'imagine que c'est pas vraiment envisageable que vous continuiez à cohabiter ensemble. » constate-t-il.

Le temps que Tao Jun ne prenne une gorgée de café, le regard de Mikhaïl le parcourt, rapidement. Le Coréen a un regard interrogateur, alors que le Russe reprend bientôt la parole. Il devine sa profession par son simple costume... Et tape dans le mille ! « Perdu. Je suis hypnotiseur pour la CIA. C'est hyper pratique pour tirer les vers du nez. » dit-il en secouant les mains devant lui pour tenter d'hypnoser son vis-à-vis... Veinement, bien sûr ! « Non blague à part, ça se voit tant que ça ? » souffle t-il, une moue déconfite au visage. Tao Jun = PDG d'une entreprise de textile. Il y avait toujours un des deux côtés de cette équation qui le chiffonait. Un petit compliment lui est néanmoins adressé. La bouche de Tao se fend d'un petit sourire, néanmoins pas très touché. « Merci. » souffle t-il. Et pour le reste... « Bah, au moins ça m'aurait changé des nanas insipides que mes parents n'ont de cesses de me présenter ! » plaisante t-il. Et pour cette histoire de petits secrets... « Même toi, qui m'a raconté ta vie en long, en large et en travers? » tanne t-il.

Rien de tel qu'une plaisanterie d'un goût douteux pour vous donner le courage d'aborder les questions qui fâchent. Le sujet épineux, ici, c'était l'emménagement récent du Russe chez son ex qui n'avait pas manqué d’interpeller son interlocuteur. Ah il y avait du dossier en plus, bien croustillant pour ne rien gâcher, il aurait aimé que ce fait divers le soit moins, qu'il n'existe pas tout court d'ailleurs... Tao Jun confirmant la bonne impression qu'avait le danseur sur lui se hâta de plaisanter sur le sujet afin de détendre quelque peu l'ambiance. « L' ambiance doit être super sympa, chez vous, ouai ! ». Mikhaïl eu un petit sourire amusé vaguement désabusé mais se reprit aussitôt et lâcha un petit ironique « D'Enfer ! » tout en levant le pouce. Enfer, c'était bien le mot en effet, mais entre ça et la rue son choix avait été rapidement fait. Sa fierté elle aussi avait une limite et être à la rue l'aurait encore plus grandement blessé. Le jeune homme fut alors sorti de ses considération par son vis-à-vis. « Enfin, j'imagine que c'est pas vraiment envisageable que vous continuez à cohabiter ensemble. ». Nouveau sourire de la part du ressortissant Russe qui avala une gorgée avant de poursuivre. « Vraiment pas en effet, j'ai plus qu'à croiser les doigts pour que, le danseur agitant au même moment ses petites annonces, ça marche. Sinon je pourrais vivre dans une poubelle, bien aménagé ça doit être douillet non ? Non...dommage. »

La conversation continua sur des sujets bien moins informels au plus grand plaisir du confessé d'un soir. Le costume de son interlocuteur avait attiré son attention et son esprit n'avait pu s'empêcher de se mettre en marche, se lançant dans toutes sortes d'hypothèses avant qu'une ne s'impose naturellement à lui. Le premier qui parle d'intuition féminine il lui permet de l'atteindre...Comment ? Et bien que différencie un homme d'une femme ? ….Vous avez votre réponse. Tao Jun agita ses mains dans une tentative d'imitation d'une hypnose. « Perdu. Je suis hypnotiseur pour la CIA. C'est hyper pratique pour tirer les vers du nez. ». Mikhaïl eu un petit rire amusé et lança une petite pique, son sourire contredisant parfaitement le côté piquant de sa remarque. «  Je vois ça...  Avoue en fait tu m'as hypnotisé hier soir ! Quel traître... ». Il éclata de nouveau de rire à sa propre bêtise puis il reprit son sérieux en sirotant le noir breuvage de sa tasse. « Non ; blague à part, ça se voit tant que ça ? ». La mine déconfite de son vis-à-vis indiquant que cette nouvelle ne le réjouissait guère. Le Russe s'enfonça alors dans la bêtise afin de détendre à son tour son interlocuteur et confesseur d'un soir. Ses mains s'élevèrent au dessus de sa tasse à moitié pleine, ou à moitié vide c'est vous qui voyez, faisant mine d'y lire quelque chose, prenant un ton mystérieux. Vous savez, le même qu'on les diseuses de bonne aventure que vous consultez en vacance « pour le fun ». « Je l'ai lu dans le marc de café ...  ahem on va juste dire que je suis doué aux devinettes et que j'ai un bon flair sur ce genre de chose»

Peu après, un compliment sur la tenue vestimentaire de son vis-à-vis lui fuit adressé ce qui attira un petit sourire sur ses lèvres et un rapide « Merci. ». Il continua sur sa lancé en réagissant aux franches paroles du danseur Russe qui ne s'était pas caché qu'il aurait sûrement tenté quelque chose sans cette piteuse première rencontre. «  Bah, au moins ça m'aurait changé des nanas insipides que mes parents n'ont de cesse de me présenter ! » . Ah la dure loi de la famille, finalement il s'estimait heureux de ne pas à avoir à subir cette pression que nombre d'enfants de parents endure, celui de leur fournir un héritier. Quelle galère, et il semblerait que le jeune homme à côté de lui ne soit pas loin de cet avis. « Oh tu sais, avec un peu d’assaisonnement tout s'arrange. Pour le coup je suis content de ne pas avoir de parents, ça m'enlève cette pression de sur les épaules, être soliste me suffit déjà bien à me faire mes premiers cheveux blanc ah ah. » Et ça c'était peu de le dire vu l'ambiance qui régnait au ballet, il secoua la tête et chassa bien vite cette pensée négative de son esprit, pas le moment.

L'histoire à propos de ces fameux secrets arriva à point nommé. « Même toi, qui m'a raconté ta vie en long, en large et en travers. ». Le Russe resta tout aussi chafouin que son vis-à-vis et lui décocha un . «  Tu ne la connais pas en hauteur.... silence.... Tentative d'humour volontairement ratée réussie !  Je ne sais pas pourquoi, mais ça me fait penser aux couples mariés depuis trente ans et qui du jour au lendemain explose car madame découvre que monsieur menait une double vie, on ne connaît jamais totalement quelqu'un effrayant non ? Enfin bon, là je m'éloigne du sujet principal... » . Un petit silence s'installe, Mikhaïl ayant alors une idée inopinée.  « Dis-moi, pour te remercier pour l'autre soir, je pourrais te payer un verre ? Il leva les mains avec un grand sourire. En tout bien tout honneur bien évidement. »